Investir dans les enjeux ESG : sciences fiables ou tomates pourries?

Tomatoes

Rotten Tomatoes (littéralement « tomates pourries ») est un agrégateur en ligne de critiques de films. Lorsqu’un film reçoit suffisamment de critiques professionnelles, il obtient un score sous forme de pourcentage sur le « Tomatomètre ».

Vous serez peut-être surpris d’apprendre que le film le mieux classé sur Rotten Tomatoes est Sans laisser de trace. Il a obtenu un score de 100 % basé sur 251 critiques. Vous ne l’avez pas vu? Vous n’êtes pas le seul. Il est loin d’avoir rapporté les 3 milliards de dollars américains qu’Avatar a récoltés, malgré un score beaucoup plus modeste de 82 %. 

Sans laisser de trace est donc un grand film dans le cœur et l’esprit des critiques, mais si vous étiez producteur de films, mettriez-vous toutes vos économies dans ce film?

Et c’est là où le bât blesse. Les films les plus acclamés par la critique ne sont pas toujours les plus rentables. Il en va de même pour les investissements réalisés dans des entreprises de qualité : une entreprise peut avoir des scores environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) exceptionnels, mais ne pas être le bon investissement pour vous si :

  • Elle ne correspond pas à votre horizon temporel. S’il s’agit d’une entreprise relativement récente, la solution qu’elle apporte à un problème ne sera peut-être pas mise à l’échelle avant des dizaines d’années. 
  • Elle dépasse votre seuil de tolérance au risque. Il y a un risque qu’elle soit éclipsée par un concurrent qui n’a pas encore été découvert. 
  • Elle ne correspond pas à la composition actuelle de votre portefeuille. Elle pourrait nécessiter des placements en actions, alors que votre portefeuille est constitué de solutions à revenu fixe. 

C’est pourquoi toute décision d’investissement doit tenir compte de deux séries de chiffres : les données financières d’une part, et les scores ESG d’autre part. 

La bonne nouvelle, c’est qu’il existe des données probantes suggérant que des scores ESG élevés sont souvent corrélés à une bonne gestion. Et une bonne gestion débouche souvent sur un solide potentiel d’investissement. Mais ce n’est pas tout, car les scores ESG ne remplacent pas les renseignements financiers sur lesquels les analystes s’appuient pour évaluer les entreprises, prévoir leur croissance et déterminer les risques. 

Les scores ESG sont relativement subjectifs, ce qui représente un défi pour les personnes qui préfèrent les faits concrets aux opinions (les avocats, par exemple).

Alors, les scores ESG constituent-ils des données fiables, une sorte de classement du style Rotten Tomatoes pour les amateurs d’investissement, ou un peu des deux? Pour répondre à cette question, nous examinerons ce qui ne fonctionne pas pour l’instant et ce qui fonctionne, puis nous déterminerons pourquoi les investissements dans les scores ESG ont encore de beaux jours devant eux pour quiconque sait leur donner un sens.

CE QUI NE FONCTIONNE PAS (POUR L’INSTANT) 

Les scores ESG sont relativement subjectifs, ce qui représente un défi pour les personnes qui préfèrent les faits concrets aux opinions (les avocats, par exemple). Tout investisseur qui se respecte devrait reconnaître et accepter que les scores ESG présentent actuellement trois limites.  

1. Ils sont complexes

KPMG qualifie les conséquences à long terme des choix actuels en matière d’ESG de « risques aux retombées lourdes, lointaines et difficiles à modéliser sur le plan statistique, faute de précédents historiques »1. En d’autres termes, nous ne connaîtrons peut-être jamais l’incidence des compromis effectués par les entreprises pour obtenir de bons scores ESG. Par exemple, la fermeture d’une usine peut être bonne pour l’environnement (E) mais mauvaise pour l’économie locale (S). Il pourrait s’écouler des dizaines d’années avant qu’on observe le plein effet de ces décisions.

2. Ils ne sont pas cohérents

Le magazine The Economist a récemment suggéré que « l’évaluation des scores ESG est problématique : les différents systèmes de notation présentent des incohérences flagrantes et sont faciles à manipuler ». 

Les cabinets comptables du monde entier tirent avantage de traditions et de pratiques de longue date résumées par le Conseil des normes comptables internationales (CNCI). Jusqu’en 2021, il n’existait pas de telle normalisation pour les organismes d’évaluation des facteurs ESG. 

Cette situation a changé avec le lancement de l’International Sustainability Standards Board (ISSB). Selon le site Web de l’organisme, sa mission est de « fournir une référence mondiale complète pour les normes de divulgation liées au développement durable ». C’est une bonne nouvelle pour tous ceux qui s’intéressent aux scores ESG, mais cette normalisation n’en est encore qu’à ses débuts.

3. Ils ont une portée limitée

Les entreprises cotées en bourse sont évaluées, mais les entreprises privées ont le choix. Cette situation semble correcte, sauf que 83 % des Canadiens travaillent pour des petites et moyennes entreprises qui n’ont pas besoin d’être évaluées sur le plan des facteurs ESG. Une société privée, comme celle qui fournit des pièces détachées à un constructeur automobile, peut choisir d’être évaluée dans l’espoir qu’un bon score l’aidera à décrocher des contrats ou à améliorer sa réputation. Dans tous les cas, le processus d’évaluation reste volontaire pour les entreprises privées. 

Compte tenu de tous ces défis, les systèmes d’évaluation des facteurs ESG n’atteindront peut-être  jamais le même niveau de cohérence que les normes en matière d’information financière. Ils pourraient continuer à tenir davantage d’une critique de film que d’un rapport de vérification.

Mais ce n’est pas entièrement une mauvaise nouvelle. 

MAIS DANS CE CAS, QU’EST-CE QUI FONCTIONNE AU JUSTE?

M. Roland Sakha, chef des placements, Gestion privée mondiale, chez Fiera Capital, le partenaire en gestion privée de la Financière des avocates et avocats, reconnaît les limites des scores ESG, mais se dit optimiste quant à ce qui fonctionne : 

« Jusqu’à présent, le plus grand avantage des mouvements axés sur l’investissement responsable et les enjeux ESG est qu’ils nous conduisent à évoquer des problématiques dont on ne parlait pas il y a 20 ou 30 ans. En discutant des risques relatifs aux enjeux ESG, nous faisons progresser le débat sur l’innovation et la responsabilité sociale. Indirectement, c’est ainsi que les enjeux ESG vont nous aider à faire face aux problèmes mondiaux. Et c’est une bonne nouvelle pour tout le monde. »

M. Paul de la Roche, gestionnaire principal de portefeuille chez Fiera Capital, rejoint la position de M. Sakha quant à l’avenir de la prise de décisions relatives aux facteurs ESG : 

« Lorsqu’un client exprime la volonté de faire des investissements responsables, nous pouvons travailler avec lui afin d’affiner un portefeuille répondant à des objectifs très précis. Cette démarche peut simplement consister à choisir un fonds commun de placement orienté vers les enjeux ESG et géré de manière passive, ou elle peut être plus détaillée et nécessiter l’application de filtres complexes à chaque décision. Les données ESG nous permettent d’offrir des solutions d’investissement plus personnalisées aux clients désireux d’investir de manière plus responsable. »

AJOUTEZ LES SCORES ESG À VOTRE PORTEFEUILLE DE MANIÈRE RÉFLÉCHIE ET MESURÉE

Pour les investisseurs qui souhaitent utiliser les scores ESG pour élaborer des plans financiers responsables, l’équipe de Fiera Capital a quelques bons conseils à offrir. 

1. Tenez-vous-en aux principes de base

Avant d’ajouter tout type d’investissement orienté vers les enjeux ESG à votre plan financier, assurez-vous qu’il répond aux exigences de votre énoncé de politique d’investissement. Compte tenu du grand nombre d’options de fonds communs de placement et de fonds négociés en bourse (FNB), ce critère est de plus en plus facile à satisfaire. Un investissement intelligent concorde avec vos objectifs, votre horizon temporel et votre seuil de tolérance au risque.

Si vous n’avez pas mis à jour votre énoncé de politique d’investissement depuis longtemps, envisagez de revoir vos objectifs avec votre conseiller financier et de discuter de la manière d’intégrer des stratégies orientées vers les enjeux ESG.

2. Choisissez les bons investissements orientés vers les enjeux ESG

Les options d’investissement ESG ne sont pas toutes créées de la même manière. Certaines sont davantage axées sur certaines régions ou sur certains secteurs ou types de technologie. D’autres excluent activement certains types d’investissements, comme ceux consacrés aux armes. 

Certaines cherchent à investir des capitaux dans des entreprises qui ont de bonnes perspectives à long terme pour avoir un impact sur le monde (investissement d’impact), mais qui peuvent ne pas convenir à des objectifs à court terme tels que la génération de revenus. Travaillez avec votre conseiller pour vous assurer que les placements que vous choisissez complètent le reste de votre portefeuille afin que sa composition globale soit conforme à vos objectifs.

3. Déterminez vos attentes

M. de la Roche encourage les clients à définir leurs attentes lorsqu’il s’agit d’équilibrer le rendement des placements et les résultats financiers. « Un grand nombre d’investisseurs engagés sur le plan social ont conscience que le changement prend du temps et fixent donc des objectifs réalistes en fonction de ce qu’ils espèrent atteindre en tant qu’investisseur et en tant que partisan de la prise de décision éthique. »

Nous pouvons vous aider.

Investissez de manière ciblée avec l’aide de votre équipe de gestion privée chez la Financière des avocates et avocats. L’AABC / Financière des avocates et avocats est un organisme sans but lucratif qui offre une planification financière gratuite à tous les membres de la communauté juridique du Canada. Rencontrez-nous pendant 30 minutes pour nous faire part de vos besoins, de vos objectifs et de vos attentes, et nous vous aiderons à vous lancer.

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Sources: 1. KPMG, « Sustainable investing: fast-forwarding its evolution », 2020.